L'Association a pris le nom de "Catherine de Coarraze". Cette dénomination
mérite une explication.
Aspet a été gouvernée par des barons jusqu'à
son rattachement à la Couronnne de France en 1605, sous Henri IV,
qui fut son dernier baron.
Au cours du XVe siècle, c'est la dynastie des Coarraze (originaire
du Béarn) qui gouverna la baronnie.
La dernière baronne de cette dynastie fut précisément
Catherine. A sa mort la baronnie changea de mains.
L'histoire de la seigneurie d'Aspet a été racontée
en détails dans le livre de Jacques Ducos : Aspet et son canton
(Pyrégraph 1993).
Mais bien des légendes courent sur "la bonne baronne". Hippolyte
Cabannes les a racontées dans un article publié, il y a de
longues années, dans la Revue de Comminges. Nous reproduisons ici
les principaux passages de cet article.
La dynastie des Coarraze
Catherine de Coarraze succéda à son père Raymond-Arnaud
(qui fut un des compagnons de Jeanne d'Arc) et fut, comme lui, très
populaire dans la contrée. Elle s'attacha à se concilier
les populations par son affabilité et par ses largesses. Elle orna
la ville d'Aspet d'une fontaine monumentale qui fournit l'eau dans la cité.
Elle laissa des biens à l'église d'Aspet qui, en commémoration
de ce bienfait, ordonna tous les jeudis soirs, à la sonnerie de
l'Angélus, des prières pour le repos de son âme. La
maison qu'habitait Catherine de Coarraze existait encore naguère,
et la rue qui aboutit de cette demeure à l'église s'appelle
aujourd'hui : rue de Madame.
Les rares pièces authentiques conservées à Aspet,
et que nous avons parcourues, ne mentionnent pas d'autres faits sur la
vie publique de Catherine de Coarraze. Mais la tradition, une tradition
vivace, a perpétué jusqu'à nos jours, dans les divers
lieux qu'elle a habités, le souvenir de la fille de Raymond-Arnaud
et quelques uns des actes de sa vie qui en font, en quelque sorte, un personnage
légendaire.
Les chaussures de la baronne
Madame de Coarraze était atteinte, paraît-il, d'une difformité
qui l'affectait beaucoup, elle grande dame exposée à se trouver
fréquemment dans les sociétés les plus brillantes
de l'époque. Selon les uns, elle était pied bot, selon d'autres
elle avait un pied de biche, et par suite d'une coquetterie fort excusable
elle ne voulut jamais consentir à laisser prendre la mesure de ses
pieds par l'ouvrier qui fabriquait ses chaussures. Un jour, cependant,
il se trouva un cordonnier d'Aspet qui parvint, à l'aide d'un subterfuge
fort ingénieux, à connaître la véritable conformation
du pied de Madame de Coarraze. De connivence avec la domestique de la baronne,
il fit répandre au bas de son lit une épaisse couche de cendres.
Le lendemain, Madame de Coarraze laissa dans la cendre l'empreinte de son
pied. e cordonnier s'empressa de prendre cette empreinte et confectionna
la chaussure en conséquence. Cette chaussure se trouvait fort bien
faite. Néanmoins, la baronne de Coarraze s'aperçut de la
supercherie et la domestique fut renvoyée pour "crime de haute trahison".
Les mariages
La difformité qui l'affligeait tant n'empêcha pas Catherine
de Coarraze de se marier deux fois. En 1444, elle épousa en premières
noces Mathieu de Foix, comte de Comminges, veuf de l'infortunée
Marguerite, qui avait passé une grande partie de sa vie en captivité.
De son mariage avec Mathieu de Foix, Catherine eut trois enfants : Marguerite,
Jeanne et une autre également appelée Jeanne, dont, plus
tard, le tuteur fut Gaston IV de Foix. Devenue veuve en 1453, Madame de
Coarraze épousa, du consentement de son père, le 30 septembre
1461, Jean, comte de Carmaing.
Le château de Galey
Elle habitait, alternativement les terres de son mari et Aspet, mais de
préférence cette dernière ville où une partie
de son enfance s'était écoulée. Elle avait aussi une
autre résidence de prédilection qu'elle aimait à visiter
souvent. Elle possédait à Galey, village de la Bellongue,
le château féodal de Durfort, situé dans une position
ravissante, sur le flanc méridional des montagnes d'Arbas et dominant
l'admirable vallée de la Bellongue.
(...) A mi-chemin de Galey et d'Augirein, sur un plateau dominant tout
le pays, s'élevait le château fort appartenant à Madame
de Coarraze, appelé dans le pays "ec castech". Ce château,
dont pendant longtemps nous avons pu contempler les ruines, était
entouré d'épais remparts, protégés eux-mêmes
par un large et profond fossé, alimenté d'eau par le ruisseau
de Bidarros. Vers 1355, presque au début de la guerre de cent ans,
le prince de Galles envahit la Gascogne et, s'avançant vers les
Pyrénées, ravagea une partie du Comminges. La tradition rapporte
que, posté sur le mamelon de Saint-Jean, à l'est du château
et tout près de la petite et vieille église Sainte-Geneviève
qui existe encore, un parti d'Anglais attaqua la forteresse. Mais le Prince
Noir ayant été rappelé précipitamment vers
le Quercy, les Anglais abandonnèrent le Comminges, qu'ils avaient
couvert de ruines, et le château fut préservé? Hélas
! on vient de vendre les dernières pierres d'une tour carrée
qui avait, quoique délabrée, survécu en partie aux
injures du temps. Cette tourelle était si solidement construite
que sa démolition a exigé un travail pénible et des
bras vigoureux. Aujourd'hui il ne reste plus rien de ce monument que le
sol converti en champs et en prairies. Les vandales modernes, aussi barbares
que leurs devanciers, ont accompli leur oeuvre !
C'est à ce château que Madame de Coarraze se plaisait
à faire de fréquentes apparitions et, après la mort
de son second mari, elle en fit presque sa résidence habituelle.(Ndlr
: cette affirmation n'est pas partagée par tous). Par ses manières
affectueuses et ses libéralités, elle s'attira l'estime et
l'affection des habitants de Galey. D'après la tradition, elle fit
construire le calvaire qui existe encore et fit bon nombre de donations
aux habitants. Mais Catherine de Coarraze avait un travers dont l'exagération
devait la conduire à sa perte. Elle se livrait sans ménagement
à des excentricités ruineuses. On dit que, des animaux qu'elle
faisait abattre, elle ne mangeait que la moëlle des os, livrant la
viande aux habitants à vil prix ou gratuitement. Ce fait étrange
paraît bien établi, car la tradition conservée à
Galey concorde parfaitement avec celle qui a cours dans les autres localités
de la Bellongue, et aussi avec celle qui a cours à Aspet.
Les prodigalités
On dit également qu'elle avait fait don à l'église
de Galey d'une cloche d'argent. Voici ce qui avait donné lieu à
ce bruit : lors de la refonte des cloches, en 1483, Madame de Coarraze
s'opposé à ce qu'on les envoyât à Toulouse.
Elle fit venir des fondeurs à ses frais et procéda, également
à ses frais, à l'installation d'une fonderie ; puis elle
faisait jeter dans le four en ébullition des tabliers pleins de
pièces d'argent. (Ndlr : la tradition veut qu'elle ait fait de même
à Aspet).
Ces folles prodigalités, trop souvent répétées,
eurent, est-il besoin de le dire ? des conséquences désastreuses
pour Madame de Coarraze. Quand, poussée par la nécessité,
elle se résolut à examiner froidement sa situation, elle
comprit qu'elle était perdue, que sa fortune était anéantie.
En vain, pour tâcher de remédier à un état de
choses absolument désespéré, vendit-elle la baronnie
d'Aspet à Jean, comte d'Etampes, pour la somme de douze mille "fleurins",
cette somme ne put suffire à combler le gouffre béant de
ses dettes.
La retraite et ses mystères
Sa ruine était bien complète, et bientôt les créanciers
vinrent frapper à sa porte. "Ah ! disait-elle dans sa détresse,
ah ! si j'avais su que le pain de blé noir était si bon,
j'en aurais fait ma nourriture quotidienne et je serais encore Madame de
Coarraze dans toute sa splendeur". Cependant, d'après la tradition,
Madame de Coarraze ne perdit pas la tête : une nuit de 1483, la nuit
de sa fuite de Galey, elle fit ferrer ses chevaux à l'envers, la
pince tournée du côté du talon, de manière à)
dépister les créanciers acharnés à sa poursuite,
et elle disparut. Elle disparut, comme autrefois ces fées bienfaisantes
se dérobaient soudain à la vue des mortels qu'elle avait
charmés. Selon les uns, elle se retira à Notre-Dame du Pilar
à Saragosse où elle mourut ; selon d'autres, elle se réfugia
à Toulouse, au couvent des Soeurs hospitalières de Saint-Cyprien
dont elle serait devenue supérieure ; et Castillon d'Aspet pense
que Madame de Coarraze alla mourir à Aspet.
Nous ne saurions admettre cette dernière version. Avec sa fierté
de grande dame, Catherine de Coarraze ne pouvait accepter un rôle
subalterne dans une ville où elle avait en quelque sorte régné
en souveraine, où elle avait dicté des lois et dont le nom
avait été rehaussé par les hauts faits de son illustre
père. Son amour-propre eût trop cruellement souffert d'un
pareil changement de situation. D'ailleurs, jusqu'à ce jour, aucun
document authentique n'a révélé, que nous sachions,
le lieu où est morte cette dame infortunée.
D'après la seconde version, la baronne de Coarraze se serait
retirée à Toulouse au couvent des Dames Hospitalières
de Saint-Cyprien. L'abbé Duclos affirme que Madame de Coarraze se
serait retirée à Toulouse, non par suite de ses désastres
financiers, mais bien pour cacher et expier des actes de faiblesse coupable.
Et Hippolyte Cabannes rapporte le récit emprunté par
l'abbé Duclos à un roman de Frédéric Soulié,
pour en récuser le moindre caractère historique. L'histoire
tourne autour d'une fille naturelle, Colombe, qu'aurait eu Dame Catherine.
L'article se termine ainsi : La vie privée de Madame de Coarraze
était parfaitement connue des populations, aussi bien à Aspet
qu'à Galey, et, si elle avait donné lieu à des actes
répréhensibles, la légende s'en serait emparée
comme elle s'était emparé de ses excentricités ; mais,
au contraire, sa mémoire s'était perpétuée
sans tâche jusqu'à ce jour, et aujourd'hui encore les habitants
de Galey aiment à se rappeler, dans les longues veillées
d'hiver, le souvenir de celle qui fut la bienfaitrice de leurs aïeux.