Le Cagire
Juzet-d'Izaut
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Adolphe Pelleport, auteur du poème sur Cagire que nous donnons ci-après a été secrétaire de Victor Hugo. Né à Saint-Gaudens (31), il mena une existence agitée. Les poésies qu'il nous a laissées sont, pour la plupart, dédiées à son pays natal.

Le Cagire (Saint-Gaudens 1862)

Cagire, mon beau pic, resplendit ce matin,
Fier dans son burnous blanc, comme un fils de l'Hégire,
La Garonne, en chantant, traîne son bleu satin.
Puisque ton coeur aspire au ciel napolitain,
Viens frapper de ta voix les échos de Cagire !

A ton appel, les deux superbes messagers,
Deux grands aigles prendront nos âmes sur leurs ailes !
Et nos rêves, ce soir, célestes passagers,
En s'enivrant d'azur sous les frais orangers,
A Naples vogueront sur des flots d'étincelles.

Mais pourquoi, jeune fille, ô blanche fleur d'avril,
Pourquoi tant réclamer cette plage lointaine ?
A l'ombre du Cagire, oh ! que nous manque-t-il ?
Les soleils les plus purs sont ternis par l'exil :
Notre Garonne vaut la mer napolitaine.

Le ciel italien ? Mais lorsque tu souris,
Tes grands yeux, que l'amour de l'idéal enflamme,
Ont l'éclat de ce ciel ardent que tu chéris !
Le parfum virginal des orangers fleuris,
Moi je crois le sentir en respirant ton âme.

Chasse à l'ours à Cagire

En juin 1906, la presse locale signalait plusieurs ours dans la montagne de Cagire. Une battue était organisée. Sans succès.
Fin octobre de la même année, un ours était de nouveau signalé dans la montagne de Juzet :  "Immédiatement l'intrépide chasseur Alphonse Laguerre se rendit dans les parages fréquentés par le fauve. Grâce à une mitrailleuse de son invention et placée sur sa piste, l'animal a été pris dimanche matin. Il pesait 156 kilos. Ce courageux chasseur n'en est pas à son coup d'essai. Grâce à lui notre région est débarrassée "aussi des sangliers qui faisaient la désolation des agriculteurs".
 

Une croix au sommet de Cagire, en 1935

Le jubilé de la Rédemption

En 1933, l'église catholique célébrait le "Jubilé de la Rédemption", destiné à commémorer le 19ème centenaire de la mort du Christ.
Le souvenir du jubilé de l'an 2000 est encore assez présent dans les mémoires pour qu'il soit inutile de dire ce qu'est un jubilé.
La tradition veut que le Christ soit mort en l'an 33 : il s'agissait donc de célébrer cet anniversaire. La venue à Lourdes du cardinal Pacelli (le futur pape Pie XII), en tant que légat du Pape, marqua les esprits.
Pour célébrer cet anniversaire de la mort du Christ, bien des initiatives se firent jour. L'érection de croix dans des lieux symboliques eut particulièrement les faveurs des pasteurs et des fidèles.
Dans la région d'Aspet, l'idée, née en 1933, se réalisera deux ans après.

Dans le passé

En fait, il ne s'agissait pas là d'une "première".
Cagire avait connu au moins deux autres croix, l'une avant la Révolution, l'autre à la fin du XIXe siècle.

La croix de 1785

Nous avons conservé une sorte de procès-verbal de l'érection d'une croix en 1785, que nous donnons en encadré.
Le document ne dit pas si une messe fut célébrée : il est vraisemblable que non.
Ce qui est précisé, par contre, c'est que l'initiative était venue des habitants du village : "une croix en signe à la postérité de la piété des habitants de ladite paroisse".
L'exploit le plus notable fut constitué par le transport de la croix elle-même, dont le procès-verbal précise le poids, par un seul porteur.
Un siècle plus tard, il ne devait rester aucune trace de cette croix, ce qui est compréhensible étant donné qu'elle était en bois.
L'érection d'une nouvelle croix en 1876 est attestée, mais nous en ignorons le motif et les circonstances.
On sait seulement qu'elle était en bois et qu'elle était destinée à alimenter la piété des "bergers" familiers de ces lieux.

Avec les colonies de vacances

Le "Bulletin religieux du canton d'Aspet", petit mensuel publié entre 1907 et 1917, raconte avec force détails les excursions à Cagire effectuées par la colonie de vacances organisées à Aspet par des paroisses toulousaines.
C'était l'époque héroïque des "jolies colonies de vacances".
La première ascension eut lieu en juillet 1907.
Départ d'Aspet à pied, bien entendu. Toute la troupe se dirige vers la cabane pour y passer la nuit. Lever à deux heures du matin (heure solaire), pour être au sommet à une heure convenable, le but de l'expédition étant de célébrer la messe au Pic.
Le Bulletin précise que l'autel fut dressé sur des rochers "près d'un gouffre immense". La messe fut célébrée, "la première, peut-être, qu'on ait jamais célébrée sur ces hauteurs désertes", dit le chroniqueur, qui semble avoir ignoré l'existence de la croix du XVIIIe siècle et de celle de 1876. Il y eut une communion générale. Les années suivantes, le rituel fut reproduit, avec un temps plus ou moins favorable.
C'était, peut-être, effectivement une "première" messe.
Chaque fois, plusieurs prêtres de la région se joignaient aux "colons".
Mais revenons à la cérémonie de 1935.

Le récit de l'abbé Sourt

C'est à l'abbé Sourt originaire de Juzet que nous devons le récit détaillé de la cérémonie.
La leçon a été tirée des expériences antérieures : pour défier le temps, il faut construire "solide". Le socle sera en béton et la croix elle-même en fer.
Le socle mesure deux mètres de haut et un mètre de diamètre à la base. "Il a la forme de la Croix de Malte, mais avec des angles droits". Il sera construit par des artisans locaux.
Le 19 septembre, la croix elle-même est amenée en camion à Juzet-d'Izaut, où l'attendaient six porteurs, tous habitants de Juzet.
"Sur leurs solides épaules, la Croix pénètre dans la forêt. Après trois heures vingt de marche effective, rythmées par quatorze "stations", elle était déposée à côté du socle, préparé par un maçon de Juzet".
"Le temps serait-il de la fête ?", se demande l'abbé Sourt. Malheureusement non, mais les pèlerins ne se découragèrent pas pour autant. "Dès 6 h 30, les autos se succèdent, des guides volontaires attendent et, à 7 heures, au son des cloches de Juzet, lancées à toute volée, groupe par groupe on entreprend la montée. Il y a des enfants de 10 ans et des vieillards de 72 ans (sic)."
La croix est bénie par l'abbé Jampoc, curé de Juzet. L'abbé Duthil, curé de Cassagnabère, grand organiste et compositeur devant l'Eternel, avait composé des paroles de circonstances sur l'air de l'Ave Maria de Lourdes. L'abbé Duthil était renommé dans toute la région aussi bien par ses talents d'organiste et de compositeur que par son franc-parler. Son talent ne doit pas être jugé par le cantique composé pour la Croix de Cagire, car il n'est pas de sa meilleure veine. Mais peu importe ! Le Chanoine de Courrèges, futur évêque de Montauban, qui avait des attaches familiales à Juzet, prononça le sermon.
"Le célébrant ne sera pas seul à communier, note l'abbé Sourt. Il y eut aussi un jeune étudiant. " Il convient de rappeler qu'à l'époque, pour communier, il fallait ne rien avoir bu ni mangé depuis minuit !
L'abbé Boué, curé-doyen d'Aspet prononça le mot de la fin. Parmi les personnalités, on notait le général Laffont, commandant la 17e région.
Il n'y avait que trois cent douze edelweiss pour orner les boutonnières des 400 participants : c'est dire le succès de la fête !
L'année suivante, une cérémonie d'anniversaire fut organisée. Elle eut aussi un franc succès. Quelques couplets furent ajoutés au cantique de l'abbé Duthil.
La Croix du Cagire, faut-il le dire, est toujours en place.
Mais pour être visible de Juzet et de toute la plaine, elle n'a pas été érigée au sommet même, mais sur un épaulement, à quelques dizaines de mètres du point culminant.